SUBURBIA - Jérémy Profit
10 au 25 juillet 2014 - POLARIUM / Fabrique Pola
Polarium / Fabrique Pola
2 rue Marc Sangnier - Bègles
Du lundi au vendredi de 10h à 18h
Sur Rdv au + 33 (0)6 62 11 52 26
Jérémy Profit saisit le moment d’après, la stase post-catastrophe où l’humain raccroche avec la vie malgré le champ de ruine et la dévastation. Cette cinquantaine de dessins virtuoses et soignés décrit un monde en décomposition, saturé de mort et de séismes, dans lequel des suicidés côtoient des ménagères et des businessmen à l’indifférence imperturbable. L’humanité s’y ennuie au bord de piscines californiennes, y massacre au fusil d’assaut ou disparaît dans des crashs spectaculaires. La banlieue tranquille explose, à l’instar des avions ou des centrales nucléaires, traduisant pour l’artiste, cette nécessité de mettre en dessin une vision critique et paranoïaque d’un monde régi par la violence dont l’ultra-capitalisme est le grand ordonnateur.
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Né à Saint-Brieuc en 1976, Jérémy Profit est très tôt parti s’établir dans les Landes, dont la linéarité et l’agencement rigoureux des paysages artificiels ont eu une influence certaine sur sa manière de dessiner. Marqué par la culture US – un truc générationnel – l’artiste a d’abord retranscrit par le biais de ses dessins au feutre ces icônes d’un État-providence pour sa musique, son cinéma, ses marques et sa télévision. Invasion, suprématie, globalisation. Jérémy Profit y puise, s’inspire de photoreportages, de publicités, couplés à des recherches sur Google images pour être résolument vériste. Les vues sont aériennes, en contre-plongée, pourtant aucune ombre portée ne vient troubler la parfaite clarté du trait. La minutie du geste contraste d’ailleurs avec la dramaturgie et le chaos des sujets ; tandis que le tracé est net, sans aspérité ni spectacularisation, le tissus narratif est, lui, d’une noirceur extrême.
Urbi et Orbi.
Ces images du monde dépeignent ainsi une société précaire et individualiste, dans lesquelles les êtres sont traités de façon impersonnelle, petits bonshommes anonymes peuplant les architectures urbaines et pavillonnaires telle une masse indifférenciée, un corps social à l’état de décomposition. À la fragilité des choses répond celle de notre existence, provisoire et donc soumise à sa perte, au hasard de l’accident, à l’échelle circonscriptible d’une banlieue dépersonnalisée, ou planétaire, cf. Fukushima. Ces lieux sont hétérotopiques, ils pourraient être sis en Amérique, dans la suburbia d’une quelconque série télé états-unienne, aux abords d’une centrale nucléaire japonaise, dans un champ patriotiquement français, au pied d’un pylône EDF. Anyway, le mal est fait : le dessin de Jeremy Profit vitrifie le point de non-retour afin que son spectateur évalue l’avant et l’après d’un état des lieux.
No Future et passé punk, l’artiste n’a pas pour rien appartenu à la scène Grindcore. Guitariste du groupe Öpstand, il a adhéré à l’esprit revendicatif du mouvement punk, tendance power-violence, où un quotidien lénifiant et culturellement paupérisé se dézingue à la brutalité critique d’une musique viscérale et épileptique. Cet héritage des débuts, acoquiné à l’esthétisme de l’art naïf et du folk Art, Raymond Pettibon en père spirituel, génère un dessin cruellement sensible et expressif, au tragique désabusé comme évocation ultime d’une contre-utopie démythifiée.
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Jérémy Profit est né en 1976 à Saint-Brieuc. Il vit et travaille à Bordeaux.
Ses œuvres ont été montrées à Berlin et Genève en 2007, au CAPC en 2010, à Arc en rêve en 2012 et à Bidart et Bilbao en 2013. Cette exposition personnelle à la Fabrique Pola est la première rétrospective de ses dessins, réalisés entre 2004 et 2014.
Myrtille Bourgeois
Exposition programmée au Polarium, espace de rayonnement artistique de la Fabrique Pola, dans le cadre de l'Eté Métropolitain.